• Félicité la tortue - 2

    Belle journée à toutes et à tous,

    ça y est Félicité à pris la mer pour aller visiter la Bretagne...Ses aventures commencent.

    Avec de magnifiques illustrations réalisées par François...

    A demain pour la suite

    Félicité la tortue - 2

    Tempête en mer

       - Wouaouh ! Génial ! S’écria Félicité en se laissant emporter par la brise, semi-allongée dans son embarcation et légèrement grisée par les embruns qui lui balayaient le visage. Elle goûtait chaque instant de cette liberté toute nouvelle. Elle n’y connaissait strictement rien à la pratique de la voile, mais peu importe, elle s’en tirait bien malgré tout…

         Le vent gonflait les voiles dans un ronflement, la poussant rapidement le long des côtes atlantiques qu’elle découvrait avec bonheur. Elle appréciait la mer quelque peu agitée s’étendant à perte de vue et contemplait avec délice les falaises et les rochers offrant leurs remparts aux vagues menaçantes qui inlassablement, venaient s’y briser en grondant et en déversant des flots  d’écumes blanches et bouillonnantes.

        Ça et là, elle distinguait quelques villages et habitations éparses entourées de végétations, des ports encombrés de majestueux bateaux de pêche ou de plaisance, des plages de sable où elle imaginait des jeux et des rires d’enfants et  de nombreuses baies à l’abri des regards et du vent….

        Elle s’éloigna lentement et involontairement des côtes et ne vit bientôt plus que l’immensité de l’Océan et quelques mouettes qui volaient ça et là…elle ferma les yeux et se laissa bercer en essayant de retenir dans sa mémoire chaque contour du paysage qu’elle venait de longer, et c’est précisément vers l’une des criques qu’elle trouvait si charmantes que son voilier venait de faire face et qu’il se dirigeait à vive allure. Ignorant totalement les principes de bases de la navigation et ne sachant comment manœuvrer son bateau, Félicité ne put que se laisser guider.

    Félicité la tortue - 2

     

    Elle mit ses deux pattes devant ses yeux, craignant le pire …le bateau prit de plus en plus de vitesse et finit sa course sur un récif qu’il heurta violemment…Le choc fut néanmoins amorti par quelque chose de souple, elle n’aurait pas su dire quoi, mais cela tenait du miracle. Elle n’eut cependant pas le temps de se poser trop de questions, tout devint alors flou autour d’elle et elle sombra dans une semi-inconscience.

         Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle releva doucement ses paupières pour constater qu’elle était simplement assise sur un banc de sable…Tout autour d’elle, de gigantesques rochers s’avançaient lourdement dans la mer…prise de panique, elle se demandait bien comment elle allait faire pour sortir de cette impasse lorsqu’elle prit conscience qu’elle était littéralement affamée. Elle s’aventura sur la roche humide et vit qu’elle était glissante et recouverte de moules, berniques, d’huîtres, d’algues odorantes et de petites cavités d’où sortaient de minuscules crabes rouges. Elle choisit de déguster un éventail de laitues de mer vertes et brunes qui s’apparentaient le plus à sa nourriture préférée, la salade. C’était un peu trop salé à son goût, mais…faute de mieux !

        Après ce repas très sommaire, elle contempla l’horizon où le soleil était en train de disparaître en laissant de larges traînées rougeoyantes dans le ciel ainsi que des reflets d’or et d’argent sur la mer parsemée de moutons gris.

    C’est alors que le ronronnement d’un moteur se fit entendre et qu’un canot se dirigea vers elle :

         -   Qu’est-ce que vous faites là ? lui demanda l’homme qui pilotait le bateau

    -         Mon voilier a échoué sur cette plage, et il me semble qu’il n’y ait pas d’issue, répondit tranquillement Félicité.

    -         Eh non ! Reprit l’homme qui vint à sa rencontre après avoir arrêté son moteur et stoppé son bateau sur la grève. Vous avez de la chance, je vous ai aperçue en me promenant sur la falaise. J’ai tout de suite compris que vous étiez en danger, alors je suis venu pour vous secourir.

    -         En danger ? Interrogea la tortue un peu déconcertée.

    -         Oui, vous n’avez pas remarqué que si la marée est encore basse, la mer remonte rapidement. Cette petite bande de sable sera bientôt complètement recouverte. En plus, un violent orage se prépare, Allez, montez vite dans le canot, je vais vous ramener sur la terre ferme et nous regarderons ensemble cette belle tempête d’un lieu plus sûr. 

       L’homme était vêtu d’un pull-over marin rayé bleu et blanc, d’une vareuse et d’un pantalon en grosse toile de coton bleu. Avec sa barbe et ses épais sourcils grisonnants, son crâne rasé sous un bonnet de laine rouge, il inspirait d’emblée la sympathie. C’est donc en toute confiance que Félicité le suivit.

       En chemin, Félicité lui fit part de son projet de visiter la Bretagne, et il se présenta (il s’appelait Sezig), lui répéta qu’elle avait eu beaucoup de chance et qu’elle se trouvait sur l’une des plus belles îles bretonnes. Lui-même était venu s’y installer il y a bien longtemps pour entretenir le phare qu’il estimait être le plus beau du territoire français, et ne retournait sur le continent qu’une fois par an pour revoir toute sa famille à l’occasion des fêtes de Noël.

    Félicité la tortue - 2

        La soirée était déjà bien avancée lorsque Félicité put enfin se reposer et se restaurer à l’intérieur du phare devant une énorme salade verte et un jus de fraise qu’elle sirota tranquillement avec une paille.

    Elle n’avait pas caché sa surprise en apercevant, perchée au-dessus de la falaise, cette haute tour de granit s’élever vers le ciel chargé de lourds nuages gris et noirs. Le gardien l’avait un peu réconfortée en lui assurant qu’elle ne craignait plus rien à présent, et que l’édifice, souvent confronté à des tempêtes spectaculaires, pouvait résister à des vents pouvant dépasser les  quatre cents kilomètres par heure.

    - Quand vous aurez terminé, je vous emmènerai sur le balcon pour assister à un spectacle extraordinaire dont vous vous souviendrez longtemps.

    -         Mais il fait nuit à présent !

    -         Attendez d’être là-haut.

    Félicité suivit Sezig qui disparut rapidement dans la spirale de marches qui n’en finissait pas. Au bout d’une demi-heure, elle n’était qu’à la moitié de son parcours et commençait à s’essouffler sérieusement lorsqu’elle entendit crier au-dessus de sa tête :

    -         Allez, du courage ! …Plus qu’une centaine de marches !!

    -         Pff, pff, pff

    -         Encore un petit effort !!

    -         Pff, pff, pff…

    A bout de souffle, Félicité se glissa sur la petite plate-forme où Sézig avait déjà pris place devant une baie vitrée.

    -         Ce soir, nous n’allons pas sortir sur la corniche, ce serait trop dangereux. Approchez-vous! Lui dit-il en la laissant passer devant lui.

    -         J’ai…un …pff, pff, …peu…pff, pff…peur…pff avoua Félicité qui, fatiguée après ces énormes efforts pour gravir les étages, frissonnait en entendant le mélange assourdissant des grondements du tonnerre, des puissantes vagues, de la pluie et du vent qui hurlait à l’extérieur.

    -         Ne vous inquiétez pas et regardez, c’est absolument grandiose !

        Félicité s’approcha de la vitre et ce qu’elle vit la fascina tout en lui donnant la chair de poule (si on peut parler ainsi pour une tortue !). De monstrueux éclairs zébraient le ciel, s’associant avec la puissante lumière du phare pour éclairer l’horizon en entier comme d’énormes projecteurs. Quelques secondes seulement pour découvrir une mer en furie secouée par une succession de vagues qui venaient se rompre violemment sur la falaise, déversant des montagnes d’écumes sur le phare avant de se désagréger en une fine poussière blanche.

    Elle fixa longuement son attention sur le mouvement incessant des éléments déchaînés, les yeux écarquillés et le cœur un peu chaviré par cette agitation démesurée. C’était beau et violent à la fois.

    Chaque jet de lumière dévoilant un ciel couvert de nuages compacts et  menaçants lui donnait une véritable sensation de malaise bien difficile à définir et à contenir.

    De plus, complètement étourdie par le rugissement des lames déferlant sur la roche, elle finit par se laisser envahir par une sorte de torpeur, et glissa doucement dans un sommeil profond. Avant de redescendre, Sézig la regarda longuement en souriant, puis il la recouvrit d’un plaid de laine à carreaux.

    Félicité la tortue - 2

        Cette nuit-là, Félicité rêva de Xavier. Il s’inquiétait pour elle et attendait de ses nouvelles. Elle se promit d’écrire dès le lendemain pour lui raconter cette aventure.

         Quand elle se réveilla, le calme était revenu et déjà, le soleil emplissait la pièce étroite. Elle se redressa et se dirigea vers Sezig qui l’attendait, debout sur le balcon. Elle risqua un œil en direction du paysage qui l’avait tant fait frémir la veille, et découvrit un panorama extraordinaire sur toute l’île et le continent qui lui faisait face au loin. Bien qu’elle fut sujette au vertige, elle resta longtemps éblouie par la beauté du site qui s’offrait à elle en se demandant comment il avait pu se transformer autant, l’espace d’une seule nuit. La fureur des éléments avait fait place à quelques ondulations à la surface de l’eau et des nuances variées de bleus, de l’indigo au turquoise, coloraient l’immensité du ciel et de la mer.

    -         Où comptez-vous aller à présent ? Lui demanda Sezig.

    -         J’aimerais bien faire le tour de l’île avant de repartir sur le continent, répondit-elle en observant le relief découpé de cette côte sauvage, les gros blocs de roches, les pointes, les anses, les plages de sable fin, les hameaux, le port qui s’avançait sur l’océan, les vestiges d’un château ancien, et, à l’intérieur des terres, les chemins sinueux bordés de bruyère, de genêts et de fougères.

    -         Je peux vous accompagner si vous le désirez. Allez hop ! Je vais atteler la carriole…je vous attends en bas.

        Sezig était indéniablement un guide précieux qui connaissait l’île comme sa poche, les moindres recoins, mais aussi d’incroyables anecdotes et récits historiques. Il enthousiasma Félicité en lui racontant la légende de ces deux jeunes amoureux transformés en pierres par les sorcières du village et qu’une bonne fée délivre les soirs de pleine lune. Il la fit aussi beaucoup rire en lui relatant l’épisode des méchants pirates qui se réfugièrent dans les grottes creusées dans les falaises, et qui ont dû attendre plusieurs semaines les fortes marées pour être délivrés… Elle se demanda même s’il ne l’avait pas inventé pour elle !

    Ils parcoururent des chemins étroits entourés de genets, d’ajoncs et de bruyère et longèrent un long moment le sentier côtier qui domine les falaises et la mer.

    -         Arrêtons-nous là, décida soudain Sézig, C’est à cet endroit que la nature offre le meilleur d’elle-même.

    -         Oups, que c’est haut, soupira Félicité prise de vertige tandis qu’elle penchait sa tête au-dessus de la falaise.

    -         Ce paysage est à l’image de ce que vous découvrirez sur le continent : une beauté sauvage, parfois féroce, mais tellement attachante avec ses couleurs intenses et tellement différentes tout au long de la journée. Et puis, respirez cette odeur puissante ! Un savant mélange de goémon et du parfum des plantes environnantes ! N’est-ce pas enivrant ?

    Assis côte à côte, ils discutèrent longtemps, se découvrant une passion commune pour la mer qu’ils contemplaient à l’unisson.

        Soudain, attirée par un léger bruissement, Félicité détourna la tête à l’instant même où une drôle de créature aux longues oreilles tombantes débouchait d’un talus tout proche… Frrt ! … Elle disparut aussitôt, la laissant perplexe.

    -         Vous avez vu? Qu’est-ce que c’était ?

    -         Probablement un lièvre, ils sont très répandus sur l’Ile et personne ne les chasse.

    Félicité la tortue - 2

       Bien qu’elle n’en fut pas absolument convaincue pour avoir cru distinguer un chapeau pointu, un gilet rouge et un pantalon rayé sur la créature, Félicité se contenta de cette explication…elle savait que son imagination lui jouait parfois des tours.

    -Allez, assez bavardé, il faut y aller à présent si vous ne voulez pas partir trop tard, affirma Sezig.

       Ils arrivèrent au port en fin de journée et le gardien du phare confia sa protégée à l’un de ses amis pêcheurs. Une pointe d’émotion les étreignit lorsqu’ils se séparèrent et ils se promirent de se revoir et de se donner des nouvelles de temps en temps.  Félicité embarqua sur le chalutier « la Marie-Joseph » pour une longue nuit de pêche en mer.

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