• Petite fille sauvage

    Bonjour tout le monde,

    Voici une toute nouvelle histoire "inédite" comme promis hier...Elle sort tout juste du four !

    Bien belle journée à tous

    Petite fille sauvage

    Petite fille sauvage

     

    Certains soirs après l’école, Mathias parcourt un long chemin à travers bois et longe un ruisseau pour se rendre à son cours de musique. Il aime regarder la surface lisse sur laquelle les arbres se penchent pour admirer leur reflet. Lorsqu’il traverse le petit pont de bois qui l’enjambe, il sort le petit caillou qu’il a glissé dans sa poche et le lance au loin, juste pour brouiller cette image trop parfaite.

    Ce soir, il fait déjà presque nuit et le vent glacial de l’hiver lui gifle le visage. Machinalement, il remonte son col et allonge le pas. C’est à ce moment précis qu’il l’aperçoit pour la première fois. Elle aussi l’a vu. Elle détourne le regard et se sauve, aussi rapidement qu’une biche effrayée, dans la petite cabane à moitié cachée par un bosquet de peupliers.

    -         Bizarre, pense-t-il, je pensais que cette petite bâtisse était abandonnée, elle est trop disloquée et minuscule pour que quelqu’un puisse y vivre.

    Il n’a fallu que quelques secondes, juste le temps d’entrevoir le visage apeuré de la fillette, pour que Mathias décide brutalement de « sécher » son cours et de la suivre. Elle a l’air si fragile et menue dans cette petite robe légère malgré ce froid poignant. Qui est-elle ? Comment est-elle arrivée là, dans cet endroit désert ?

    Malgré lui, il s’éloigne de la rive et se dirige sans bruit en direction de  la masure qu’il contourne. A quelques mètres, il lui semble entendre quelques mots suivis d’une toux rauque et d’une sorte de gémissement. Il s’approche plus près et jette un coup d’œil discret à travers une fente délaissée entre deux planches de bois disjointes. Il distingue nettement la tignasse désordonnée de la fillette, penchée au-dessus d’une sorte de  lit de camp où git une vieille femme. Elles semblent seules dans cet abri de fortune uniquement meublé de cartons et de vaisselle sommaire.

    Mathias sait qu’il ne doit pas les déranger, ni leur signifier qu’il les a surprises. Il aimerait juste pouvoir les aider un peu, sans savoir vraiment comment faire. Pour le moment, il s’éloigne de quelques pas, s’assoit à même le sol et dégage son violon de son étui. Il dépose la tête de l’instrument dans sa main gauche et fixe doucement la mentonnière entre son menton et son épaule. Avec une infinie délicatesse, il frotte alors les cordes avec son archet pour jouer son morceau favori. Il a été si troublé et ému par la scène qu’il vient de découvrir que la mélodie qui s’en échappe semble plus harmonieuse et aérienne que tout ce qui lui est arrivé de jouer jusqu’alors...Il replace ensuite son violon dans son étui, et comme il est venu, il reprend le chemin de sa maison. Il est loin d’imaginer que le morceau qu’il vient de jouer a profondément bouleversé la vieille femme. Son visage s’est brusquement illuminé et d’une voix douce, elle s’est exclamée :

    -         Oh ! comme c’est beau ! cette musique  me fait tellement penser à ton grand père. Je me souviens de ce bal de fin d’année...c’était il y a si longtemps ! Quand je l’ai vu pour la première fois, l’orchestre jouait cet air-là. Ton grand père est venu vers moi pour m’inviter à danser. On ne s’était jamais quitté depuis...Pourquoi est-il parti sans moi ?

     

    Ce soir-là, en rentrant chez lui, Mathias n’a pas caché à sa maman qu’il n’était pas allé à son cours de musique. Il lui a raconté ce qu’il avait vu dans la vieille bâtisse abandonnée. Pour toute réponse, sa maman l’a pris tendrement dans ses bras. Le lendemain il n’avait pas classe, alors elle lui a tendu un panier rempli de nourriture pour qu’il le porte à la vieille femme et cette enfant.

    Sur le chemin, Mathias chantonne en balançant légèrement le panier. Il est si heureux d’aller porter le grand bol de soupe préparé par sa maman, ces gâteaux et ces beaux fruits qui redonneront sûrement le sourire à cette jolie petite fille sauvage.

    Cette fois, il frappe faiblement à la porte et n’attend pas qu’elle s’ouvre. Il repart très vite pour ne pas déranger. Il ne verra pas la porte s’ouvrir doucement quelques instants plus tard pour laisser passer une petite main toute égratignée par les ronces, habituée jusqu’alors à ramasser les baies sauvages. Il ne verra pas non le visage réjoui de la jeune fille qui regarde son aïeule manger avec un réel appétit. 

    Chaque jour, pendant près d’un mois, il apporte ainsi un panier rempli de victuailles, quelques vêtements ou des couvertures, toujours aussi discrètement....Au fond de lui, il aimerait bien parler avec cette enfant dont il ignore tout, sauf qu’elle est bien jolie avec ses grands yeux en amande et cette longue crinière blonde ondulée. Il sait aussi qu’elle se prénomme Mélanie parce qu’il a entendu sa grand- mère l’appeler hier, entre deux quintes de toux.  Il attend le bon moment...quand elle sera décidée. 

    Ce jour-là justement, tandis qu’il arrive les bras chargé d’une lourde couette, Mélanie l’attend devant la cabane. Elle est en larmes !

    -         C’est ma grand-mère ... elle a beaucoup de fièvre et je ne sais plus quoi faire. Il lui faudrait des soins à l’hôpital, mais nous n’avons pas d’argent, dit-elle entre deux sanglots.

    Mathias n’hésite pas une seconde et appelle les secours avec son portable. En attendant l’ambulance, la fillette se confie. Elle raconte comment sa grand-mère et elle se sont retrouvées à la rue après la mort de son papy. Sans travail et sans argent, elles ne pouvaient plus payer le loyer. Un jour, une dame austère, vêtue d’un tailleur sombre et coiffé d’un horrible chignon est venue pour l’emmener... Mais elle refusait d’être séparée de sa mamy... Elle s’est débattue de toutes ses forces pour lui échapper lorsqu’elle a tenté de l’enlever de force. Elle ne se résignait pas à laisser seule sa grand-mère qui l’avait élevée. Depuis deux ans, elles se cachent dans les bois et dans les maisons inoccupées.

    -         Ça  y est, ils arrivent, s’exclame Mathias en voyant la voiture de ses parents suivie d’un long véhicule blanc surmonté d’un gyrophare.

    Le plus naturellement du monde, les parents de Mathias ont invité Mélanie à aller vivre chez eux.  Les deux enfants  se  rendent chaque jour à l’hôpital pour rendre visite à la vieille femme dont la santé ne s’améliore guère…

    Mais aujourd’hui, nous sommes en plein cœur de l’hiver et l’on peut voir les flocons tourbillonner derrière les vitres de la chambre. La vieille femme, prend la main de sa petite fille et lui parle tendrement :

    -         Je sais que Mathias est pour toi comme un frère, et que ses parents prendront bien soin de toi. Ils m’ont confié qu’ils veulent t’adopter prochainement. Je peux partir tranquille. Tu seras très heureuse à présent.

    Puis, elle s’adresse à Mathias avec douceur :

    -         Je tiens à te remercier pour tout ce que tu as fait pour nous deux. Aujourd’hui, il est temps pour moi de rejoindre mon cher époux...Mais avant, j’ai une dernière faveur à te demander...j’aimerais que tu rejoues pour moi cette jolie mélodie qui m’a tant bouleversée lorsque tu nous as aperçues la première fois dans cette petite cabane de bois.

    Mathias dégage tranquillement son violon de son étui, et se met à pincer les cordes avec une infinie douceur. Les notes qui s’en échappent sont si belles et si surprenantes qu’un voile transparent et vaporeux  semble envelopper la pièce entière. A travers ses larmes,  Mélanie distingue alors nettement la silhouette de son grand-père qui se détache pour se diriger vers le lit. Il s’approche de sa grand-mère  pour l’entrainer dans une dernière valse.

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

  • Commentaires

    1
    Soazig
    Lundi 11 Novembre 2019 à 10:13
    Histoire très touchante !
    2
    Maëlle
    Lundi 11 Novembre 2019 à 23:29
    En effet je suis d’accord c’est émouvant
      • Mardi 12 Novembre 2019 à 08:32

        Pas trop quand même?....Merci pour ton message...Bisous

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :